Michel Collot, Pour une géographie littéraire

Référence: Michel Collot, Pour une géographie littéraire, Paris, José Corti, 2014, collection “Les Essais”, 273 p.

Présentation

Livre recommandé par une amie doctorante, F., avec qui j’évoquais le sujet du chapitre 1 de ma thèse, à savoir le rapport de Saint Exupéry à l’Espagne avant la GCE. Ayant cerné mes objectifs, elle m’a guidée dans la lecture de l’ouvrage, m’indiquant les passages essentiels, et ceux à survoler rapidement.

Michel Collot¹ est un des spécialistes français de l’étude de l’espace en littérature. L’ouvrage dont il est question ici a fait l’objet d’un compte-rendu par Marta Baravalle en 2015 dans la revue Studi francese ( ( http://URL : http://journals.openedition.org/studifrancesi/1512 )).

L’ouvrage se compose de deux grandes parties: après l’introduction, la partie “Orientations” est la version retravaillée d’un article paru dans Fabula, plus précisément dans la section “LHT” en 2011. Elle se décompose en cinq sous-parties:

• Le tournant spatial
• Quelques précurseurs
• Approches géographiques
• Approches géocritiques
• Approches géopoétiques

La partie suivante, “Explorations”, après une courte présentation, se compose de 8 sous-parties, elles aussi antérieurement parues dans diverses revues :

• Du charme des landes au rideau cramoisi (Barbey d’Aurevilly)
• Jules Supervielle entre l’Amérique et l’Europe
• Y a-t-il un paysage africain?
• Le génie des lieux (Michel Butor)
• Géographie du grand Nord (Claude Simon)
• Silvia Baron Supervielle entre deux rives
• Le paysagisme abstrait de Pierre-Yves Soucy
• Le Dépaysement (Jean-Christophe Bailly).

Points importants

• La situation des études de géographie littéraire par rapport à d’autres approches littéraires
• Les définitions de la géographie littéraire, de la géopoétique, et de la géocritique
• Les très nombreuses références.

Apports de l’ouvrage pour Enfanthèse

• la notion de spatialité propre au texte: c’est d’autant plus important dans le cas de l’article de journal, pour lequel la typographie, l’emplacement dans la page et dans le journal, la titraille, l’environnement immédiat, sont plus que signifiants.
• Une citation importante de Deleuze et Guattari, relative à la géophilosophie et qui est pertinente pour l’oeuvre de Tonio: “Penser n’est ni un fil tendu entre un sujet et un objet, ni une révolution de l’un autour de l’autre. Penser se fait plutôt dans le rapport du territoire et de la terre.”².
• La notion de description en géographie, qui est aussi un exercice littéraire: justement, les critiques ont souvent noté la pauvreté des descriptions exupériennes, tant quantitativement (il ne décrit que rarement) que qualitativement (ses descriptions sont très rapides, avec peu de détails). Or, dans une de ses lettres à Rinette, il évoque vaguement le paysage lors de sa descente sur Perpignan, pour tout de suite dire que c’est aussi magnifique à voir que “pompier” à décrire.
• Le déterminisme géographique de Taine: Saint Exupéry reprend cette idée : on trouve de nombreuses références au climat et à son influence sur les hommes (Maroc et Espagne, de mémoire). Collot cite également un autre auteur dont parle Tonio: Rémy de Gourmont.
• La référence aux frères Tharaud, préfaciers d’un ouvrage sur le régionalisme littéraire: cette relation entre extrême-droite et régionalisme littéraire s’oppose aux déclarations de Tonio dans Pilote de guerre sur “le cours paresseux de la Loire”. Je me demande dans quelle mesure cette réflexion n’a pas commencé en Espagne. Piste à explorer.
• La géographie littéraire d’André Ferré correspond exactement à ce que j’essaie de faire au chapitre 1: “recenser les lieux qu’a habités, connus ou visités un écrivain et à les comparer avec ceux qui sont évoqués dans son oeuvre.” (Collot 2014, p.53). Le résultat est présenté sur des “cartes biographiques”, dont Collot affirme qu’elles sont “à la géographie littéraire ce que les chronologies sont à l’histoire littéraire”. Je devrais peut-être essayer de faire pareil, éventuellement en couplant carte et nuages de mots.
• la géocritique de Bertrand Westphal, qui étudie un lieu et sa mémoire littéraire, dans une approche comparatiste.
• la référence à l’ouvrage de Pierre Bayard, Comment parler des lieux où l’on n’a pas été?, avec en particulier la notion d’atopisme, dont Saint Exupéry prend le contrepied dans ses descriptions journalistiques de l’Espagne.
• la réflexion sur la notion de paysage (Jean-Pierre Richard) qui, selon Collot, réconcilie l’approche égo-centrée et l’approche géo-centrée.
• la notion d’isotopie: dans quelle mesure l’avion serait-il, pour Saint Exupéry, un isotope?
• une intuition, à explorer en post-doc: le Saint Exupéry deTerre des Hommes serait-il précurseur de la géopoétique? Rapprochements entre sa réflexion et celles de Michel Deguy et Kenneth White.
• la question du point de vue, dont Jean Rousset souligne l’importance dans la description de l’espace: le point de vue de l’aviateur et sa singularité.

Critiques

• Pas de bibliographie , il faut explorer les notes de bas de page.
• Pas d’index des noms propres, ni d’index des notions.

Conclusion

Ouvrage qui me permet d’enrichir mon assise théorique, ouvre sur de nombreuses pistes de lecture et présente de nombreux concepts.

1. https://fr.wikipedia.org › wiki › Michel_Collot et https://thalim.cnrs.fr/auteur/michel-collot [↩]
2. Gilles Deleuze et Félix Guattari, “Géophilosophie” dans Qu’est-ce que la philosophie?, Éditions de Minuit, 1991, p. 82. La citation se trouve p. 19 de l’ouvrage de Collot [↩]

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